Ingénieur technique de la police scientifique
La chimie au service des enquétes policières
Interview réalisée
le 5 janvier 2010
à Rabat
Les éléves du groupes de TPE CHBICHEB Ismail , GUEDDAR Zakaria , ASBOUNE Ines et CHAROF Sara.
Ahmed Benjilani
Directeur de recherche , du laboratoire
de la police scientifique de Rabat
FORMATION
• Bac scientifique.
• Ingénieur chimiste ESCPE (école
supérieure de chimie de Lyon).
• Doctorat ès sciences.
Interview avec un expert de la police scientifique de Rabat-Zaër Mr Ahmed Benjilani
Avez-vous toujours travaillé au laboratoire de la police scientifique?
Non, il s’agit de ma troisième fonction. Mais j’ai toujours travaillé dans l’analyse, chimique d’abord, puis biologique et aujourd’hui de tous types, même balistique. Mais j’ai toujours fait de la recherche appliquée, travaillé sur des problèmes concrets. Mon statut est aujourd’hui assez particulier : je suis ingénieur technique de police scientifique et, comme tous les gens qui travaillent dans ce service, je suis un auxiliaire de police et de justice.
Quelle est votre mission au laboratoire?
Notre rôle est d’analyser des échantillons prélevés par la police sur les lieux de crimes, délits ou viols. Nous n’avons pas le monopole de l’expertise. La gendarmerie possède également un laboratoire, et de nombreux experts privés peuvent être nommés par les juges pour effectuer des analyses.
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que nous ne participons pas à l’enquête : nous sommes là pour répondre à une question précise au sujet d’une pièce.
Quels types d’analyses effectuez-vous?
Il y a d’abord tout ce qui concerne la balistique et les empreintes. Beaucoupd’analyses ne sont pas de type chimique à ce niveau, mais on utilise par exemple des acides avec des sels de cuivre pour faire apparaître des numéros d’armes qui ont été limés. Ils amplifient en quelque sorte l’empreinte qui subsiste. On s’en sert aussi pour révéler les numéros de moteurs de voitures volées. Comme cela peut être effectué directement par les services de police et que ce sont des acides forts, nous réalisons également des fiches techniques à leur intention, pour éviter les accidents.
Ces empreintes« métalliques » nous conduisent aux empreintes digitales…
Tout à fait. C’est une autre activité du service. Selon le support sur lequel on veut révéler ces empreintes, on utilise différents réactifs. Ceux que l’on voit dans les films sont généralement des poudres : on les utilise sur les surfaces lisses et non poreuses. Mais, comme les empreintes sont généralement composées d’un grand nombre
de substances chimiques (acides gras, alcools, ions métalliques, sucres, etc.), nous pouvons utiliser de nombreux réactifs, par exemple, du nitrate d’argent sur les surfaces poreuses ou du cristal violet sur les rubans adhésifs. Nous métallisons également sous vide, avec un mélange or-zinc, les billets de banque. On peut aussi révéler une empreinte en présence de sang et de salive – par exemple sur un timbre – avec de la ninhydrine.
Aujourd’hui, les empreintes génétiques, qui caractérisent de façon unique chaque être humain, sont souvent recherchées. C’est un travail de biologiste, mais l’extraction de l’ADN est une opération purement chimique.
Il faut d’abord localiser et identifier la substance (sang, salive, sperme, etc.), puis utiliser soit un mélange phénol-méthanol, soit des résines pour en extraire l’ADN. La réalisation des empreintes génétiques et leur interprétation sont confiées à des spécialistes en biologie moléculaire.
Effectuez-vous également des analyses sur les saisies de stupéfiants?
Oui, mais pas tant pour déterminer de quel type de drogue il s’agit que pour analyser sa composition. Les produits stupéfiants sont identifiables par les services de police, à l’aide de réactifs colorés. Pour notre part, nous analysons leur composition quantitative afin de déterminer la proportion de substances actives, de diluants, d’adultérants et d’impuretés – les produits sont heureusement toujours dilués – et leur provenance. Cela peut également permettre de rechercher si des saisies réalisées en différents endroits du territoire proviennent du même « lot ». La police peut alors soupçonner l’existence éventuelle de réseaux. L’analyse s’effectue par chromatographie, en phase liquide et gazeuse, ou par spectrométrie de masse.
Effectuez-vous d’autres recherches qui permettent d’identifier des réseaux criminels?
Oui, notamment en ce qui concerne les incendies et les explosions, pour lesquelles nous collaborons évidemment avec les pompiers, les démineurs, les policiers… En fait, nous recherchons les produits accélérants, comme les hydrocarbures, le White Spirit, l’alcool… Leur présence peut laisser présager une origine criminelle.
Ces accélérants sont extraits par des solvants et dosés par chromatographie gazeuse. Lors d’explosions, il est difficile de trouver les éléments si tout a été dévasté. La nature de l’explosif est déterminée par chromatographie liquide et gazeuse. Cela nous permet de savoir s’il est « artisanal » ou s’il est professionnel, comme celui qu’on utilise sur les chantiers. Dans le premier cas, on cherche à caractériser les ions nitrate et chlorate et dans le second, l’explosif contient souvent des dérivés nitrés. Les enquêteurs recherchent également les composants du système de mise à feu, qui peuvent être caractéristiques d’un groupe terroriste à l’origine de l’explosion.
Avez-vous encore d’autres activités?
Oui… La dernière partie de notre travail concerne tout ce que l’on appelle les « traces » et les « résidus ». Par exemple, on peut nous demander de rechercher des résidus de tir sur les manches ou le corps d’un suspect.
Mais nous ne connaissons pas les circonstances du prélèvement : des traces de poudre, brûlée ou non, ne prouvent pas que l’individu est à l’origine du tir. Il peut avoir ramassé l’arme ou simplement avoir été à côté du tireur ! Autre exemple : nous pouvons analyser la composition d’une peinture (souvent celle d’une voiture) pour dire si elle est compatible avec celle d’un prélèvement effectué en un autre lieu.
Nous analysons la couleur, l’aspect et la composition… mais nous ne pouvons pas, pour l’instant, affirmer qu’il s’agit de la même peinture. Il en est de même pour les éclats de verre, les fibres, les cheveux… n
La Chromatographie
La chromatographie en phase liquide sous haute pression (HPLC) permet de séparer les constituants d’un mélange, que l’on dispose de quelques milligrammes ou de quelques dizaines de grammes du mélange initial. À la sortie du chromatographe, on associe la chambre de vaporisation et d’ionisation d’un spectromètre de masse qui permet ensuite de déterminer la nature des différents composés séparés, par la mesure de leur masse molaire et par la détermination de la nature des fragments obtenus. Ces deux techniques sont couplées. On peut ainsi séparer puis analyser les différents composants d’un mélange complexe.
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